dimanche 15 novembre 2009

Orpaillage musical

Dans la communauté de petits mineurs indépendants de La Toma, près de Suarez, dans le Cauca, la fièvre de l'or n'a pas éteint la fibre artistique. Le groupe de percussions qu'ils ont formé n'utilise que les outils du chercheur d'or, brouette, machettes, et tonneaux, mais surtout la batea, cette "assiette" dans laquelle les orpailleurs agitent l'eau pour la faire déborder et ne conserver que les particules les plus lourdes, dont la poussière d'or. La batucada qui en résulte fait penser aux Tambours du Bronx, mais évoque aussi le travail quotidien des musiciens/mineurs, dans une chorégraphie basique mais efficace.



En tout cas, ils ont trouvé un bon filon ; et si ils enregistraient un CD, ce serait bien le comble qu'il ne devienne pas disque d'or !

jeudi 15 octobre 2009

Nager dans un volcan

Si vous avez arpenté la vieille ville de fond en comble, que les souterrains du Castillo de San Felipe de Barajas n'ont plus de secrets pour vous, que vous avez épuisé les charmes de Playa Blanca et de l'archipel du Rosario, et que vous avez même été jusqu'à grimper au Couvent de la Popa pour admirer le paysage en compagnie de la Vierge de la Candelaria, vous pensez peut-être en avoir fini avec les passages obligés d'un premier séjour à Cartagena ?

Santa Catalina, le 20 avril 2009. "El Totumo", le volcan de boue près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Et bien pas du tout, et pour régénérer votre corps fatigué par toutes ces excursions, votre peau sérieusement brûlée par le soleil impitoyable des caraïbes et votre foie rudement mis à l'épreuve par la consommation immodérée de riz coco (et peut-être aussi un peu par les quelques rhums avalés entre deux salsas au Quiebra y Canto), nous vous invitons aujourd'hui à une séance de fangothérapie, c'est à) dire, pour parler un français plus accessible, à vous vautrer dans la boue comme des porcs. Mais attention, pas n'importe quelle boue, celle d'un volcan !

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

D'un volcan de boue plus exactement, une formation géologique plutôt rare, également appelée salse, et qui provient d'émanations d'hydrocarbures liquides et de gaz carbonique, formant une petite colline d'argile couronnée d'un cratère de boue tiède et épaisse. Enfoncés, les spas et autres centres de thalassothérapie qui vous proposent à prix d'or des séances dans une baignoire, ou au mieux une piscine, remplie de boues marines filtrées et soit-disant enrichies en oligo-éléments. Ici vous vous immergerez directement dans la cheminée du volcan, avec plusieurs centaines de mètres de profondeur de boue sous les pieds...

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Cartagena, entre les villages de Piojó et de San Catalina, le volcan de boue El Totumo surplombe le lagon de Galerazamba. Haut d'une petite vingtaine de mètres, un escalier de 53 marches de bois mène au sommet de ce monticule de boue séchée et donne accès au cratère, dans lequel surnagent des touristes à la recherche de sensations originales, ou peut-être confiant dans les vertus thérapeutiques annoncées de la séance. Car la boue du Totumo est très riche en minéraux comme l'aluminium, le magnesium ou le fer (vous pouvez voir sa composition chimique  complète sur la page de Wikipedia consacrée au volcan) et elle est supposée avoir des propriétés curatives dans plusieurs domaines comme l'arthrose, les rhumatismes, les ulcères, les maladies dermatologiques et les carences en oligo-éléments. Des cures sont également préconisées en traitement complémentaire dans des cas d'affections neurologiques (hémiplégie ou paraplégie), comme dans le cas de  ce vénézuelien paralysé des membres inférieurs et amené par sa famille pour profiter d'un moment de détente et d'oubli du handicap.

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Un vénézuelien paralysé des membres inférieurs est sorti par ses proches du cratère d'El Totumo,
le volcan de boue près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Car au delà du soin éventuel, le bain est rafraichissant et l'expérience, comme suspendu en apesanteur dans un cocon épais, est plutôt étrange mais agréable. La densité de la boue empêchant de s'y enfoncer quelque effort que l'on fasse, il n'est nulle noyade à craindre, et l'on peut paresser en faisant la planche dans la fange, siroter une bière en jouant au morpion, ou même, pour les plus téméraires (et pour quelques milliers de pesos), se faire vigoureusement malaxer les vertèbres par un des masseurs qui barbotent toute la journée dans le volcan.

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Partie de morpion dans le volcan de boue El Totumo près de Carthagène.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Une fois sorti, on est transformé en golem, et il faut faire un petit détour par le lagon pour retrouver une apparence humaine, avant de s'arrêter pour un almuerzo (déjeuner) et un café dans l'une des baraques en bois du hameau,  afin de se  remettre de tous ces efforts, de contribuer un peu à la précaire économie locale, et surtout de se faire raconter la légende locale, qui veut que le volcan ait autrefois craché de la lave et non de la boue, jusqu'à l'intervention d'un moine ayant éteint ce feu diabolique avec son flacon d'eau bénite. Amen. Puis il sera temps de retourner à Cartagena sous peine d'être à la merci des tarifs abusifs du cartel des motos-taxis, les derniers bus repartant vers 15h.

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Après un bain dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Enfin retourner à Cartagena... ou à Barranquilla. Car, pour la petite histoire, deux départements se disputent le potentiel touristique du volcan. Si il est géographiquement situé dans le Bolivar, face à la Cienaga de Totumo, la plus grande partie de cette dernière appartient à l'Atlantico, qui vient d'annoncer la construction d'une route la reliant à Barranquilla, la capitale régionale, et qui desservira également le volcan. Simultanément, on l'a inclus dans les guides de la ville, et on a escamoté le panneau de sortie de l'Atlantico à la frontière entre les deux départements. Il n'en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres, et pour bien réaffirmer ses droits sur le site, le gouverneur du Bolivar et tout son cabinet sont immédiatement grimpé sur le tas de boue y planter l'étendard du département et lire un communiqué s'indignant des manœuvres du voisin. Lequel a répondu aussitôt par la voix d'un de ses sénateurs que le panneau avait été simplement emporté par une rafale de vent et que le gouverneur du Bolivar ferait mieux d'essayer de se maintenir à son poste, lequel serait aussi fragile que la pancarte, plutôt que de s'inventer des conflits imaginaires.

Santa Catalina, le 20 avril 2009. Dans le volcan de boue El Totumo, près de Carthagène. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Le maire de la commune, lui, s'est félicité de l'intérêt soudain manifesté par les responsables politiques pour le volcan et il a tenu à réconcilier tout le monde : 
"Espérons qu'à cette occasion se concrétisent les projets de développement annoncés pour Santa Catalina et sa région, qui a bien besoin de l'action gouvernementale, et dont le potentiel touristique a été sous-estimé, tant par le Bolivar que par l'Atlantico."

dimanche 11 octobre 2009

Des arbres contre la mine d'or


Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


Les étudiants de l'université d'Ibague, dans le Tolima, ont eu une idée originale pour manifester leur opposition au projet de mine d'or de la Colosa, sur une concession attribuée à la AngloGold Ashanti.  


Ibague, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
 Partis le matin de la capitale régionale dans une demi-douzaine d'autocars loués pour l'occasion, un peu plus de deux cent étudiants et militants écologistes d'Ibague rallient la petite ville de Cajamarca, située près de la zone aurifère, et où la compagnie sud-africaine a établi un bureau chargé de superviser le projet d'exploitation. D'après le gouvernement colombien et la communication de l'entreprise elle-même, il s'agirait d'un des plus importants gisements au monde.  Autant dire qu'il y a là des enjeux financiers considérables. Derrière les bus  ornés de banderoles représentant montagnes, fleuves et animaux, suivent deux camions chargés à bloc de petits baliveaux destinés à être plantés sur le terrain de la future mine. 

Le projet peut paraître dérisoire, voire utopique. Des arbres contre la mine. Imaginer protéger des grenouilles contre la logique économique mondiale avec de fragiles brindilles.  Une lutte perdue d'avance digne d'une production Walt Disney, le happy end en moins. Mais le geste est symbolique. Semer la vie là-même où l'on prévoit de violer la terre et de la rendre infertile à jamais. Une reforestation préventive en quelque sorte...


Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Arrivés aux abords de Cajamarca, les étudiants descendent des bus et déploient leurs banderoles, en se réjouissant de ce que la pluie qui tombait depuis le matin se soit arrêtée avec tant d'à-propos pour une belle entrée en cortège dans la ville. La bourgade, d'un peu moins de 10.000 habitants, avait eu les honneurs de la presse nationale en 2004, quand des soldats y avaient massacré une famille de cinq personnes, parmi lesquelles un bébé de six mois, qu'ils auraient soit-disant confondu avec des guérilleros des FARC. Épargnés par la justice militaire, sept militaires avaient néanmoins été inculpés l'année suivante par le Procureur général de la Nation des charges d'homicide sur personnes protégées, des preuves ayant été rassemblées que les victimes avaient été abattues à courte distance.

Cajamarca, le 11 octobre 2009. "Seulement après que... le dernier arbre soit coupé, le dernier fleuve empoisonné,
le dernier poisson attrapé, alors seulement tu sauras que l'argent ne peut pas se manger. Proverbe indien."
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Devant le pont qui sert d'accès à Cajamarca, les manifestants sont rejoints par un petit groupe de militants locaux de la CUT (Centrale Unitaire des Travailleurs, le principal syndicat interprofessionnel colombien) et d'ANTHOC (syndicat des fonctionnaires de la Santé et de la Sécurité Sociale). Si leurs slogans sur la dégradation des hôpitaux publics paraissent un peu éloignés du thème du jour, cette convergence des luttes est tout de même jugée bienvenue par les défenseurs de l'environnement qui veulent y voir un bon augure et ce renfort inattendu est accueilli avec force applaudissements. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. "Plus de promenades de la mort. Défendons les hôpitaux publics".
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

À la sortie du pont, l'accueil est plutôt froid. Il faut dire que le premier bâtiment de la ville est un bunker, peint couleur camouflage, suivi de la base militaire de Cajamarca, dans le même habit.  Et des deux côtés de la rue, le personnel de ladite base s'est déployé, armes à la main, formant une haie d'honneur entre lesquels défilent les manifestants, qui ont cessé les slogans et dont les visages se sont subitement fermés. Ambiance. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. "Plus de promenades de la mort. Défendons les hôpitaux publics".
Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Une fois tout le monde passé, coup de jarnac, la police installe un barrage sur le pont et bloque les camions de l'autre côté de la rivière. Sans arbres à planter, il ne reste plus aux étudiants qu'à manifester à travers la ville et à improviser des discussions avec la population locale, peu informée des tenants et des aboutissants du projet, pour tenter de la rallier à leur cause. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. ESMAD (police anti-émeute). Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Au bout de quelques heures, alors que l'abattement menace de vaincre le bel enthousiasme qui a animé la matinée, un des deux chauffeurs, par une habile manœuvre, réussit à contourner le dispositif policier et à rejoindre les manifestants. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

L'explosion de joie qui accompagne l'arrivée du camion plein de jeunes plants est cependant modérée du fait que le retard pris sur le planning rend hasardeuse la poursuite de l'opération prévue initialement. L'heure avance, et il y a la question du retour à Ibague avec les bus loués et les chauffeurs qui attendent. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Des ESMAD (police anti-émeute) en pause déjeuner.Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Et puis, même si personne n'évoque directement le problème en ces termes, il y a pas mal de policiers et d'ESMAD (police anti-émeute, célèbre pour sa brutalité) dans la ville, et même si ils ont l'air plutôt détendus pour le moment, il parait peu probable qu'ils laissent le groupe entrer en effraction sur la concession sans réagir. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

l'AngloGold Ashanti où une partie des arbustes sont repiqués dans un joyeux désordre. 

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Cajamarca, le 11 octobre 2009.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
On voit bien que certains étudiants ici ont plus l'habitude de planter des théories que des  végétaux, mais la bonne volonté suppléant à l'expérience, le terrain se trouve quand même rapidement foré de centaines de petits trous dans lesquels sont déposés différentes espèces d'arbrisseaux. Enfin, pelles et binettes sont rangées dans le camion, et un rassemblement sur la place principale de Cajamarca vient clôturer la journée.

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Quelques brefs discours et un mini concert de rap (peut-être pas le meilleur choix de musique pour ce qui est de l'objectif d'associer les gens du cru à la mobilisation), et puis tout le monde remonte dans les cars.

Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

L'ambiance sur la route du retour à Ibague est moins animée qu'à l'aller. Les étudiants sont fatigués et un peu déçus de ne pas avoir réussi à remplir l'objectif initial, mais la plupart a le sentiment que la journée n'a tout de même pas été tout à fait inutile.

Cajamarca, le 11 octobre 2009.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

On pourra objecter qu'au final ce seront certainement des centaines de pousses d'arbres qui auront été plantées pour rien, qu'elles seront évidemment arrachées et détruites, et que si l'intention est bonne et le geste (même incomplet) est beau, le bilan écologique concret n'est pas forcément convaincant. Ce serait oublier l'impact médiatique d'une telle action, et son poids dans le processus de mobilisation de la population locale, partagée entre l'espoir des retombées économiques de l'exploitation minière et la crainte de voir son environnement contaminé.



Plus que des arbres, c'est peut-être le doute que les étudiants ont réussi à semer chez les habitants de Cajamarca...


Cajamarca, le 11 octobre 2009. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

samedi 8 août 2009

La paix cachée...

San Agustin, le 7 août 2009. "La paix est un droit de tous. Cherche-là !". Photo : D. Fellous/Libre arbitre

mercredi 10 juin 2009

Mongo-Mongo, Cocada et autres Alegrias

Il faut avouer qu'en termes de dessert, si l'on excepte les fruits dont la diversité comblera les plus difficiles, les Colombiens ne font pas preuve d'une créativité débordante, et à moins d'être fana de confiture de lait ou de figues au sirop, on est vite réduit à passer directement du plat principal au café (ne parlons pas du fromage, s'il vous plait, il y a des sujets qui fâchent les expatriés...). 

Sur la côte caraïbe cependant, les amateurs de douceurs trouveront quand même de quoi faire leur bonheur. Principalement à base de coco, et de panela (sucre de canne non raffiné), les confiseries vendues sur les plages ou dans les rues de Cartagena ne ménage pas le pancréas, mais on évitera l'écœurement grâce à l'acidité de la pâte de Tamarin, également largement utilisée. 

Cartagena, le 21 avril 2009. Vendeuse de confiseries.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
On a volé quelques recettes à des vendeuses pas trop jalouses de leurs secrets, et on les livre ici à votre maestria gastronomique. Comme pour toute recette, les quantités ne sont qu'une indication, qui varie d'ailleurs suivant la taille des fruits utilisés. Usez de votre bon sens, de votre instinct et de vos index pour goûter au fur et à mesure de la préparation.

¡ Buen provecho !

Cocadas

Durée : 15 minutes
Portions : 12

Ingrédients :
  · 2 grosses noix de coco
  · 800 g de sucre
  · de la poudre de clous de girofle
  · le jus d'un citron vert
    Préparation :
    On pèle les noix pour ne conserver que le blanc, puis on les râpe  et on les met  à cuire dans leur eau, avec la poudre de girofle et 300 g de sucre. Quand le sirop commence à épaissir, on y rajoute le reste de sucre et le jus du citron, et on remue sans s'arrêter jusqu'à ce que cela commence à durcir. On  façonne alors des portions avec une cuiller en bois, qu'on laisse refroidir sur une surface humide.



    Alegrías de burro
     
    Durée : 1 heure 30 minutes
    Portions : 8
    Ingrédients :
    • 1 kg de mil
    • 500 g de sucre de canne non raffiné noir
    Préparation :
    On trempe le mil, et on l'égoutte. Puis on le cuisine dans un petit peu d'eau, jusqu'à ce que le grain s'ouvre. À part, on prépare un "recuit" (sirop couleur de miel) avec le sucre de canne et un peu d'eau, et on en baigne le mil. Avec les mains humides, on forme des petites boules qu'on laisse sécher.



    Flan de coco et d'ananas

    Durée : 45 minutes
    Portions : 8
    Ingrédients :
    • 2 tasses de lait
    • 6 cuillers de poudre de coco
    • 6 œufs
    • ¾ de tasse de sucre
    • 1 petit verre de rhum
    • 1/2 ananas débité en rondelles
    Préparation:
    On fait un caramel et on en recouvre le fond d'un moule. On réhydrate la coco dans le lait, on le passe au mixer avec le sucre, les jaunes d'œufs et le rhum, et on mélange le tout avec les blancs préalablement battus en neige. Puis on verse la préparation dans le moule et ont le met au bain-marie, jusqu'à ce que l'on puisse y introduire un couteau et que la pointe en ressorte propre. Décorer avec les rondelles d'ananas.


    Mongo-Mongo ou Calandraca

    Durée : 2 heures
    Portions : 8
    Ingrédients :
    • 4 bananes plantains mures pelées et en tronçons
    • 4 mangues pelées, cuites et écrasées
    • 1/2 ananas en petits morceaux
    • 1 grand mamey, ou 2 zapote, coupés en petits dés (hors de Colombie, si vous avez du mal à en trouver, peut-être que vous pourriez remplacer ça par de la carotte, si vous faites l'expérience je veux bien un retour avant de la tenter moi-même...)
    • 1 patate douce cuite et râpée
    • 1 noix de coco râpée
    • 1 kg de sucre de canne non raffiné
    • 1 litre d'eau
    • Des clous de girofle, de l'anis, de la cannelle et du poivre doux
    Préparation:
    On met tout à cuire à feu lent, en remuant en permanence avec une cuiller en bois, jusqu'à ce que les fruits se dissolvent et obtiennent une consistance de compote.

    mardi 19 mai 2009

    Des milliers de déplacés dans le parc du 3e Millénaire


    8 août 2008. Maison de déplacés sur un terrain vague de la petite ville de Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la
    Colombie, une des régions les plus touchées par le conflit armé. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

    La Colombie est le deuxième pays au monde derrière le Soudan avec le plus grand nombre de déplacés, avec 4.000.000 de personnes (sans compter environ deux millions de réfugiés hors du pays) ayant du fuir leurs maisons pour trouver refuge dans des campements de plastique provisoires au bord des villes de province et jusqu'en plein centre de la capitale, Bogotá.

    8 août 2008. Campement de déplacés près de Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie, une des régions les
    plus affectées par le conflit armé. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

    Depuis le bord de la route, on croirait voir des serres ou des abris pour l'outillage des paysans, mais ces centaines de milliers de tentes abritent en fait des familles entières ayant fui la violence d'un conflit qui n'en finit pas d'ensanglanter les campagnes colombiennes depuis 50 ans. 


    8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie.
    Photo : D. Fellous/Libre arbitre

    "À la campagne on meurt de peur, à la ville on meurt de faim" résume un graffiti dans le parc du 3e millénaire, en plein cœur de Bogotá. Ce symbole de la rénovation urbaine édifié sur les ruines du plus célèbre bidonville de la capitale, à quelques pâtés de maison du palais présidentiel a été lui aussi envahi par des milliers de déplacés.

    Bogotá, le 17 mai 2009. Des milliers de déplacés, fuyant la violence qui ensanglante les campagnes, se sont installés dans le
    parc du 3e Millénaire, à quelques pâtés de maison du Palais Présidentiel.

    Mais à la différence des ancien habitants du Cartucho, marginaux, toxicomanes, délinquants ou "lumpen-prolétaires" durablement enracinés dans la misère, la population des déplacés est constituée pour la plupart de familles laborieuses : populaires ou issues de la  classe moyenne. 

    Bogotá, le 17 mai 2009. Famille de déplacés dans le Parc du Troisième Millénaire. Cette femme qui a déjà trouvé un petit
    emploi  de femme de ménage a installé une poubelle (basura) à l'entrée de son abri. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


    Bogotá, le 17 mai 2009. Déplacée par la violence campant dans le
    Parc du Troisième Millénaire. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
    Ces paysans, mineurs indépendants ou petits commerçants ont été surpris par l'arrivée dans leur région de la guerre entre militaires de l'armée régulière, paramilitaires d'extrême-droite, guérilleros d'extrême-gauche  et bandoleros des maffias criminelles, ou encore ils ont été chassés par des bandes armées au service de grands propriétaires ou d'industriels peu scrupuleux qui récupèrent ainsi - par la menace, l'achat forcé, l'assassinat des récalcitrants et même parfois par le massacre collectif - des territoires "inhabités" où développer projets miniers ou agricoles sans gêneurs. 





    8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de la Colombie.
    Photo : D. Fellous/Libre arbitre

     Ces déplacés qui ont souvent pu emporter une partie de leur mobilier avec eux, contrastent par leur attitude et leur aspect extérieur avec leur nouvel habitat précaire. 

    Bogotá, le 17 mai 2009. Déplacés dans le parc du 3e Millénaire. Loin de se laisser abattre, celui-ci a déjà ouvert
    son salon de coiffure. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

    8 août 2008. Famille déplacée par la violence
    à Samaniego, dans le Nariño, au sud-ouest de
    la Colombie. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
    Essayant souvent de retrouver une activité salariée ou de se créer un emploi indépendant dès que possible, leur énergie et leur bonne humeur face au mauvais sort ne peut qu'impressionner et troubler le passant.
     

    8 août 2008. Famille déplacée par la violence à Samaniego, dans le Nariño,
    au sud-ouest de la Colombie. Photo : D. Fellous/Libre arbitre


    vendredi 1 mai 2009

    Punk Not Dead

    Bogotá est un musée des tribus urbaines. On peut croiser dans la même journée des hippies plus hippies que les newyorkais des 60's, des punks plus punks que dans le Londres des années 70, des skins (bones, sharp, reds, et toutes les déclinaisons..) plus skins qu'aux Halles dans les années 80, des minets, des gothiques, des krishnas, des hard-rockeux, des émos, et j'en passe, le tout mélangé à des employés de bureaux aux vestons de laine sortis de films d'avant-guerre. Tout se monde se retrouve d'ailleurs cote à cote dans la rue le premier mai, pour la traditionnelle manifestation de la Fête des Travailleurs, qui à Bogotá finit généralement par de violents affrontements avec la police.

    Bogota, Colombie, 1er Mai 2009. Des manifestants brisent la vitrine d'une agence de pensions Porvenir sur la Carrera Septima,
    au cours des incidents ayant émaillé le parcours de la manifestation syndicale du Premier Mai. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

    samedi 7 mars 2009

    Quand l'armée colombienne assassine des civils pour faire du chiffre…

    Novembre 2008, le commandant en chef de l’Armée colombienne Mario Montoya démissionne. Quelques jours auparavant, vingt-sept autres militaires dont trois généraux étaient destitués. Des témoignages établissent la responsabilité de l’armée colombienne dans l’enlèvement et l’assassinat de civils. Pour gonfler leurs statistiques dans la lutte contre les guérillas, des militaires gradés recourent aux “faux positifs” : des jeunes, pour la plupart, que l’on enlève et assassine pour les enregistrer ensuite morts au combat sous les couleurs de la guérilla… À ce jour, on compte au moins 1200 cas suspects de “faux positifs”.

    Bogota, le 6 mars 2009. Manifestation contre la multiplication des "Faux Positifs", ces civils assassinés par l'armée
    colombienne et présentés comme des guérilleros tués au combat. Photo : D. Fellous/Libre arbitre.

    Le soldat Luis Esteban Montes n’en revient pas quand, le 30 avril 2007, il découvre que ses compagnons du 31ème Bataillon d’Infanterie anti-guérilla ont choisi par hasard son frère Leonardo. Ils l’ont prévenu quelques heures plutôt ; un jour férié approche, il va falloir « légaliser » quelqu’un. Un corps de guérillero aiderait à obtenir une permission… Quand son frère, bien loin de savoir ce qui se trame, arrive au campement, Luis tente de convaincre ses supérieurs de changer de victime. Mais rien n’y fait, il est trop tard, la décision est prise. Luis fait alors évader son frère et demande sa mutation. Mais trois jours plus tard, il apprend la mort de Leonardo. Il avait sur lui, dit-on, une arme et une grenade (1).

    Cette histoire peut paraître incroyable. Elle n’est pourtant qu’un cas parmi de nombreux autres. Il a cependant fallu attendre fin septembre 2008, pour que quelques unes de ces morts suspectes attirent l’attention des médias et de la Justice. C’est le caractère organisé de l’affaire qui choque. Tout commence quand on déterre à Ocaña, département du Nord de Santander, dans le nord du pays, les corps de dix-sept jeunes des banlieues populaires de Bogotá. Ils avaient entre 17 et 32 ans et étaient portés disparus au cours de l’année 2008. Comme le raconte l’hebdomadaire colombien Semana, neuf d’entre eux ont en commun d’être reportés comme morts dans des combats contre la 15ème Brigade Mobile. Les enquêteurs du ministère de la Défense supposent un possible recrutement forcé des groupes armés irréguliers. Mais d’emblée un fait questionne cette hypothèse. Fin janvier, un sergent de cette brigade, par la suite exclu de l’armée, dénonçait aux instances judiciaires de quelles manières des militaires de sa brigade tuaient des civils pour les présenter comme guérilleros morts au combat. Il faut dire que cinq jours de repos étaient offerts aux soldats ayant réussi à tuer un ennemi...

    Une étrange concordance des parcours suivis avant de mourir

    La récente activation d’un système de recherche croisant le fichier des disparus avec celui des Médecines légales du pays est à l’origine des doutes sur les conditions réelles de la mort de ces dix-sept jeunes. De plus, les témoignages douloureux des familles incitent à penser que le chemin emprunté est similaire. Dans leur grande majorité, ils sont notifiés morts à peine un ou deux jours après leur disparition. C’est le cas pour Elkin Verano et Joaquim Castro, deux amis disparus ensemble le 13 janvier 2008 et enregistrés le 15 du même mois à la morgue d’Ocaña, c’est-à-dire à plus de sept cents kilomètres et dix-huit heures de Bogotá. En s’en tenant à la version des militaires, ils auraient participé à un combat à peine descendus du bus…

    Julián Oviedo disparait le 2 mars. Cet ouvrier en bâtiment devait ce même jour rencontrer un homme pour un emploi dans une ferme. Sa mère, qui l’attendait pour dîner, ne l’a jamais vu revenir. Le 3 mars, il était enregistré mort au combat. Autres jeunes, même histoire. Victor Gómez, Diego Tamayo et Jader Palacio disparaissent le 23 août. Leurs cadavres entrent à la morgue d’Ocaña le 25. Chez lui, Victor avait expliqué qu’il partait « avec quelques gars pour la Côte », et qu’il reviendrait avec l’équivalent de 1300 euros (2) d’ici quelques jours. Diego, lui, avait laissé une lettre à sa mère : « Prends soin de toi et ne t’inquiète pas, je reviens lundi. »

    L’appât d’une offre de travail serait à l’origine du départ. D’ailleurs, des “recruteurs” ont été aperçus avec des victimes quelques heures avant leur disparition. Six de ces recruteurs étaient détenus en novembre 2008 et reconnaissaient leur implication dans l’affaire des disparus des quartiers populaires de Bogotá. Deux d’entre eux sont des militaires à la retraite. À l’aide de leurs anciennes relations, ils avouent avoir mis en place une sorte d’organisation. Pour chaque individu livré, ils recevaient entre 200 et 330 euros, à la condition que ces “recrutés” viennent d’une région située à douze heures, au moins, de voyage par route. L’enquête révèle aussi que trois groupes de narcotrafiquants auraient passé un accord avec des militaires. En échange des recrutements, ils obtenaient toute liberté pour mener à bien leurs opérations. Un autre homme, démobilisé d’un groupe paramilitaire d’extrême droite, opérait sur la Côte.

    Un millier de militaires compromis

    Bogota, le 6 mars 2009. "Plus de Faux Positifs".
    Photo : D. Fellous/Libre arbitre
    Les hommes enlevés venaient de quartiers pauvres ; certains avaient aussi un passé judiciaire ou étaient connus pour leur consommation de drogue. Ce qui laisse penser qu’en plus de servir les intérêts de certaines brigades, une entreprise de nettoyage social s’organisait impunément depuis l’armée, pilier de l’État colombien. Aujourd’hui, l’enquête sur les faux positifs à travers le pays s’intéresse à la mort d’environ 800 personnes sur une période de six ans. À ce jour, 46 militaires ont été condamnés et 952 autres sont liés à l’instruction, tout comme 21 policiers et 24 autres personnes. Mais les chiffres donnés par les ONG sont bien plus inquiétants. La Coordination Colombie Europe États-Unis (CCEEU), qui regroupent 199 organisations travaillant sur les violations des droits de l’Homme, parle de 955 exécutions extrajudiciaires imputables à la Force Publique entre 2002 et 2007. La CCEEU évoque aussi les 235 disparitions forcées pour lesquelles on reste sans nouvelles.

    Mais peut-on réellement connaître le chiffre de cette macabre statistique ? Un ensemble de documents déclassés de l’administration étasunienne et révélé par l’organisation National Security Archive laisse penser que le recours aux faux positifs est une pratique ancienne. Dans un rapport émis en 1990, l’ambassadeur de l’époque, Thomas McNamara, soulève de sérieux doutes sur les conditions qui ont amené l’armée colombienne à tuer neuf personnes. En effet, un juge militaire avait alors pu constater que les trous observés sur les uniformes ne correspondaient pas aux blessures par balle des supposés guérilleros… Un autre ambassadeur, Myles Frechette, rapporte en 1994 que cette mentalité de faire du chiffre persistent chez les officiers de l’armée colombienne [télécharger pdf]. « Les officiers qui ne peuvent pas montrer des antécédents d’une activité anti-guérilla agressive (laquelle étant cause de la majorité des violations des droits de l’Homme de la part de l’armée) se désavantagent au moment des promotions » (3). Et, en avril 2008, l’ONU commente dans son rapport sur la violation des droits de l’Homme en Colombie que les faux positifs seraient motivés « par l’intérêt de membres de la Force Publique d’obtenir des bénéfices et reconnaissances ».

    Avant l’éclatement du scandale des disparus de septembre 2008, les possibles cas de faux positifs étaient le plus souvent écartés par le gouvernement. On lui préférait la version du recrutement forcé par les guérillas, agitant une nouvelle fois l’épouvantail terroriste. Juan Manuel Santos, ministre de la Défense miraculeusement épargné, explique aujourd’hui préférer « une démobilisation à une capture et une capture à un mort ». Mais commentant les récents documents déclassifiés, il n’y voit que l’action de certains très intéressés à “gonfler” les problèmes de droits de l’Homme que connaîtrait le pays… Reste qu’aujourd’hui l’armée colombienne, dont on ne connaît en France que les “exploits” accomplis pendant la libération d’Ingrid Bétancourt, est prise dans un vaste processus judiciaire qui permettra peut-être de remonter aux véritables responsables de ce terrorisme d’État.


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    (1) Témoignage recueilli par Semana, 25 octobre 2008. retour

    (2) Le salaire minimum mensuel est d’environ 150 euros en Colombie. retour

    (3) Voir aussi les commentaires d’un commandant de l’Armée colombienne qui reconnaît en 1997 l’existence d’un « syndrome du comptage de corps » dans l’Armée qui « tend à alimenter les atteintes aux droits de l’Homme par des soldats bien intentionnés qui essayent d’atteindre leur quota pour impressionner leur supérieurs » [télécharger le pdf] retour.

    Cet article a été initialement publié dans Basta ! le 20 janvier 2009.