lundi 13 septembre 2010

"Je reviens tout de suite", Une exposition sur Carlos Pizarro.


Carlos Pizarro Léongomez était le dirigeant du M19, un des nombreux mouvements de guérilla colombien, qui a signé les accords de paix avec le gouvernement -  la démobilisation contre l'amnistie et l'organisation d'une assemblée constituante - qui ont abouti à la nouvelle Constitution de 1991. 

Bogotá, le 22 juillet 2010. Des manifestants hissent le drapeau du M19 face au Sénat
colombien, sur la statue d'un Simon Bolivar encagoulé, lors de la marche pour
la Deuxième Indépendance. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Une paix chère payée par le M19, dont des milliers de militants ont été victimes dans la décennie qui a suivi d'attentats, d'assassinats et de disparition forcée, à commencer par Carlos Pizarro lui-même, assassiné 48 jours à peine après son retour à la vie civile. 


Une exposition est organisée par sa fille sur le parcours de cette homme charismatique et ses efforts en faveur d'un processus de paix en Colombie, depuis sa désertion des rangs des FARC en 1973 (en laissant une note : "je reviens tout de suite...") jusqu'à sa mort en 1990 sous les 15 balles du sicario (tueur à gages) engagé par Carlos Castaño, alors dirigeant des AUC (Autodéfenses Unies de Colombie, groupe paramilitaire d'extrême-droite), en passant par la prise du Palais de Justice de Bogotá par un commando du M19 en 1985. 


Au Musée National (Kra 7 # 28-66) du 14 septembre jusqu'au 27 mars 2011.

mercredi 18 août 2010

Le Chigüiro

Le Capibara, qui correspond je crois au cabiai guyanais, est un gros rongeur, en fait c'est même le plus gros des rongeurs recensés sur la Terre... Il peut peser jusqu'à 70 kg, un sacré rat... Plus proche du ragondin, en fait, puisqu'il est semi-aquatique, et qu'il peut passer de longues périodes totalement immergé, ne laissant affleurer que ses naseaux à la surface. À son nom latin Hydrochaeris hydrochaeris  (dont l'étymologie "porc d'eau" nous délivre cependant l'indice de ce que l'animal est comestible...), on pourra préférer l'appellation de Chigüiro tel qu'on le désigne le plus souvent en Colombie, en particulier lorsqu'on le trouve dans son assiette. 

Equateur, 2004. Troupeau de capybaras près de Puyo, en Amazonie équatorienne. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
  
Et il faut dire que c'est une viande particulièrement savoureuse, grasse et tendre à souhait, particulièrement quand il est cuisiné à la Llanera, c'est à dire à la façon des Llanos, la zone orientale de Colombie, une grande plaine couverte de savane et dédiée à l'élevage de bétail, où ce rongeur est couramment consommé. La cuisson, lente, est effectuée au feu du bois d'une essence particulièrement odorante, et au moyen de piques en biais permettant un fumage simultané. Le résultat est délicieux avec toutes sortes de viandes, et réputé avec le veau de lait, mais le sommet est atteint d'après moi avec le Chigüiro. Et si les Llanos vous semblent trop loin, on peut en manger tout fait convenablement cuisiné et à un prix très raisonnable dans le centre de Bogotá,  dans un restaurant de grillades dont le nom m'échappe sur la Carrera Septima à l'angle de la Calle 20 (il me semble...).

dimanche 20 juin 2010

Juan Manuel Santos, élu avec 69% des voix

La Colombie a choisi aujourd'hui Juan-Manuel Santos pour remplacer Alvaro Uribe à la présidence de la République. Les partisans d'Antanas Mockus, du Partido Verde (le Parti Vert, qui n'a rien d'écologiste, malgré sa couleur et son symbole, le tournesol), son adversaire lors du second tour, qui ont longtemps cru aux chances de leur candidat, sont écrasés par l'ampleur de la victoire de l'ex ministre de la défense.

Bogota, le 20 juin 2010. Une militante du Partido Verde effeuille ses tournesols devant le siège de campagne d'Antanas Mockus,
après l'annonce des résultats donnant la victoire à son adversaire. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

lundi 10 mai 2010

Crise de la santé en Colombie ? Un secteur pourtant très rentable…

En janvier dernier, face à des jugements en justice obligeant les administrations aux remboursements d’actes médicaux qu’elles avaient niées, le gouvernement d’Uribe déclare l’état d’urgence sociale. Divers décrets sont adoptés et visent, entre autres, à limiter ces remboursements. Les médecins quant à eux peuvent dorénavant être amenés à justifier selon un rapport de « coût/efficacité » leur décision sous peine de sanctions.
 
Depuis sa réforme avec la loi 100 de 1993, le système de santé colombien fonctionne selon les règles de la concurrence, l’affiliation à la sécurité sociale ayant été transformée en un vaste marché ouvert aux groupes privés. Les EPS, des organismes administratifs gestionnaires des budgets destinés à chaque patient, s’y disputent les affiliés. Pour réaliser des économies et maximiser leurs profits, selon l’efficience que la normativité leur demande de respecter, ces EPS sont conduites à limiter leurs dépenses, notamment en refusant de financer un certain nombre d’actes de santé.

Pour comprendre un peu mieux comment fonctionne réellement ce système et dépasser le discours d’une sécurité sociale gouffre économique, sorte de litanie devenue traditionnelle dans la bouche des décideurs politiques de tout poil, penchons-nous un instant sur la structuration des différentes entreprises qui le compose.

En 2009, l’hebdomadaire Semana publie un classement des 100 premières entreprises colombiennes. Le classement s’appuie sur les chiffres d’affaires réalisés sur l’année 2008. On y retrouve six EPS (sur vingt) du régime des salariés à des places non négligeables, dont SaludCoop classée 18e entre la multinationale Drummond, chargée de l’exploitation du charbon de La Guajira, et une autre multinationale, General Motors. SaludCoop avait réalisé des ventes d’environ un milliard d’euros sur l’année. Le cas de cette EPS est emblématique car il illustre comment le secteur a été reconfiguré une fois la loi 100 mise en route.

La coopérative SaludCoop est créée en 1994 à partir d’un capital de 2 500 millions de pesos ; en 2009 l’entreprise évaluait son patrimoine à 439 391 millions de pesos (environ 150 millions d’euros en mai 2009). Cette multiplication de sa taille d’environ 176 fois, SaludCoop la doit à son positionnement sur le nouveau marché de l’affiliation et de la santé. Dans le cadre juridique favorable au secteur privé, l’entreprise a investi dans toutes les branches du secteur de façon à rentabiliser au maximum l’argent de la sécurité sociale versé dans ses caisses : SaludCoop possède son propre réseau de cliniques, 31 institutions de haut niveau technologique, des laboratoires d’analyse ou d’imagerie médicale. Mais surtout, ses dirigeants ont investi sur toutes les étapes de la prestation de services de santé : SaludCoop est propriétaire de l’entreprise qui confectionne les vêtements et tissus hospitaliers et de celle qui les lave. Elle possède aussi celle chargée de la préparation des repas et des aliments, et elle fait appel à une autre de ses entreprises pour la maintenance de ses équipements. Elle contrôle aussi un réseau de pharmacies et la société qui se charge de négocier les prix des médicaments auprès des entreprises pharmaceutiques. Elle n’a pas non plus oublié le secteur des ressources humaines puisqu’elle possède deux coopératives de travail associé, l’une pour le recrutement du personnel médical, l’autre pour assurer les services de sécurité privée. Elle détient aussi le centre d’appel du groupe, un cabinet juridique et un cabinet d’audit. Elle a par ailleurs racheté deux autres EPS du régime des salariés: CafeSalud et Cruz Blanca. Enfin, en tant que coopérative, elle doit investir dans l’éducation et est donc propriétaire d’un collège privé des quartiers riches de Bogotá et d’un institut de formation au golf…

Les résultats de l’EPS et son exploitation du secteur contrastent avec l’état déclaré d’agonie du système de santé. La différence est d’autant plus forte que SaludCoop se retrouve en février 2010 au cœur d’un scandale financier. Alors que les décrets de l’état d’urgence sociale viennent d’être votés et appellent à la rigueur dans les hôpitaux publics, la Superintendance en santé réclame à SaludCoop le remboursement de 627 milliards de pesos (environ 260 millions d’euros) qui auraient été utilisés pour l’achat d’actifs et pour des investissements non autorisés selon ce que fixe la loi sur l’usage de l’argent du régime contributif. Dans le classement des entreprises publié par Semana en 2010, SaludCoop n’y apparaît pas. L’EPS n’a pas voulu renvoyer les informations demandées, explique l’hebdomadaire…
 
Pour en savoir plus, lire l'article (en espagnol) de David Coronell publié le 30 janvier 2010 dans Semana et qui a inspiré ce billet : ¿Dónde está la bolita?

samedi 13 mars 2010

Le crabe sur le dos


Parc Tayrona, le 30 Octobre 2008. Crabe sur une plage de la côte caraïbe colombienne. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Sur les écrans de Bogotá depuis hier, une coproduction franco-colombienne, El vuelco del cangrejo (Le crabe sur le dos) d'Oscar Ruiz Navia, qui a déjà été récompensé par plusieurs prix dans des festivals  de cinéma en Europe et en Amérique Latine. L'histoire se déroule dans un village reculé de la côte pacifique colombienne, où Cerebro (Cerveau), le leader de la communauté afro-descendante autochtone s'oppose au projet de construction d'un hôtel sur la plage par le Paisa, un propriétaire terrien blanc. C'est dans ce contexte qu'arrive Daniel, un citadin étrange et silencieux, venu attendre l'arrivée d'un bateau qui puisse le sortir clandestinement du pays... 


La bande annonce (en espagnol) ci-dessous :

samedi 6 février 2010

Manifestation pour la défense de la Santé

Plusieurs milliers de personnes ont défilé aujourd'hui à Bogotá contre le décret 4975 d'Emergencia social (Urgence sociale), en vigueur depuis deux semaines, les décrets 128 et 131, et la loi 100, qui menacent de revenir sur les acquis constitutionnels de 1991 d'accès à la santé, en centralisant les ressources distribuées aux EPS - Entreprises prestatrices de santé (sic) - et en réduisant les dépenses de santé : diminution des actes couverts et du montant des remboursements.

Bogotá, le 6 février 2010. "La santé n'est pas une faveur, c'est un Droit !" Plusieurs milliers de colombiens ont défilé dans tout le pays
pour l'abrogation du décret d'urgence sociale émis par le président Alvaro Uribe. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Un véritable démantèlement du système de santé public, déjà peu efficace et générateur de nombreuses "bavures" administratives aux conséquences souvent fatales : le fameux paseo de la muerte, la promenade de la mort, qui représente le parcours obligatoire et digne d'une bureaucratie kafkaïenne pour se procurer les certificats de garantie de remboursements des soins nécessaires préalablement à tout acte médical. Plusieurs cas se sont ainsi présentés où des enfants, victimes d'accidents domestiques bénins, ou souffrants de simples hématomes après une chute, sont morts de complications hémorragiques faute d'avoir été pris en charge en raison d'un problème de papier égaré, ou d'une inscription mal renseignée...

jeudi 14 janvier 2010

Plage ou montagne, pourquoi choisir ?


Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

 La lagune de Tota est située à plus de 3000 mètres d'altitude, entre le village du même nom et celui d'Aquitania, dans le département du Boyacá. La zone est essentiellement consacrée à la culture de l'oignon, et d'immenses champs s'étalent autour de ce lac de 55 km2, le plus grand réservoir d'eau douce du pays et le troisième de toute l'Amérique du Sud. 

Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Mais plus que sa superficie, ce qui fait la particularité de la lagune de Tota, c'est surtout sa grande plage de sable blanc, une des plus hautes au monde. Même lorsque l'on sait que les plateaux de la région furent dans un passé préhistorique le bassin d'une mer dont témoignent encore les nombreux fossiles marins rencontrés autour de la ville voisine de Villa de Leyva, on ne peut qu'être troublé. Ne serait le vent frisquet et la mode locale qui voit les autochtones plus adeptes du poncho que du bikini, on pourrait se croire sur une plage des caraïbes.  Et les sommets, culminant à 3600m, qui surplombent des rivages où les pins sont plus à l'aise que les palmiers ajoutent au paysage une touche nordique pour créer un résultat singulièrement contrasté, aux allures de fjord tropical.

Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Suivant son tempérament, on pourra choisir de faire des promenades à cheval dans la région, de s'aventurer en bateau à le découverte des trois îles qui agrémentent le lac, ou de pratiquer planche à voile et autres sports nautiques, et même pour les plus courageux d'oser la plongée sous-marine (ou plutôt subaquatique dans ce cas d'espèce...) dans des eaux qui atteignent 65m de profondeur.

La lagune de Tota, vue de l'île San Pedro, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Si le temps est favorable, et que le soleil de montagne montre ses rayons, la température remonte rapidement et, si on n'est pas trop frileux quand même, on peut alors troquer la polaire pour le maillot et se baigner, ou tout simplement s'offrir une petite séance de bronzette.

Playa blanca, Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Allongé sur sa serviette,  les doigts de pieds en éventail, et un gros roman policier à portée de main au cas où (mais en fait non...), l'illusion est parfaite. Le sable de Playa Blanca (la plage blanche), est aussi fin et clair que celui de son homonyme d'Isla de Baru, près de Cartagena, la plus belle de Colombie. 

Playa Blanca, Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre
(vous pouvez cliquer sur la photo pour avoir une plus grande image)

Pas de langouste ni de riz coco dans les cantines alentour, mais de très bonnes truites arc-en-ciel, qui sauront remonter agréablement le voyageur épuisé par tant d'activités sportives (ou juste mis en appétit par la sieste entamée à la page 3 de l'enquête de Rouletabille...). 

Mais comme vous le savez, Colombia Tierra Herida ne peut s'empêcher de mettre le doigt là où ça fait mal, même quand il s'agit d'un sujet touristique, et puisqu'on parle de truite, reportons ici la préoccupation formulée par certains pêcheurs qui observent une importante dégradation de la qualité des eaux du lac, une inquiétude partagée par d'autres riverains, notamment les acteurs de l'industrie touristique et hôtelière locale.

Aquitania, le 13 janvier 2010. Culture d'oignons près de la lagune de Tota. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

La cause en serait les engrais utilisés par les agriculteurs qui cultivent les oignons dont nous parlions en début d'article. S'écoulant tous naturellement dans le lac avec les eaux de pluie, les résidus chimiques, outre leur toxicité pour le poisson (et soit-dit en passant pour l'humain qui le consomme ensuite...), favorisent la croissance d'algues qui envahissent petit à petit la lagune au point d'en occuper aujourd'hui plus de la moitié du volume. Ce dont aura d'ailleurs pu se rendre compte le lecteur  imprudent qui se serait laissé tenter par la plongée proposée tout à l'heure...

Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Plus grave encore, le réservoir s'assèche. Parmi les raisons invoquées, la détérioration du paramo, cet écosystème d'altitude qui retient, stocke et régule l'eau dans de telles quantités qu'on pourrait le comparer à un glacier végétal. La lagune aurait ainsi perdu près de 20 km2 en 50 ans, laissant craindre un processus de disparition progressive mais inéluctable.

Lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre

Ceci étant dit, elle est encore là, alors profitez-en. Il n'y a pas trop de monde, c'est toujours pas indiqué dans le Lonely Planet, courez-y, c'est une belle destination de week-end quand même. Et puis si l'économie locale se met à dépendre pour une plus grande part du tourisme, peut-être que ça incitera les habitants à faire plus attention à leur environnement, à faire pression sur les producteurs d'oignons pour assainir leurs pratiques, et à protéger leur paramo, qui sait ?

Playa blanca, lagune de Tota, le 13 janvier 2010. Photo : D. Fellous/Libre arbitre