samedi 30 avril 2011

Menaces sur la Communauté du Tamarindo

Plus de 110 familles habitent et travaillent le terrain de "El Tamarindo", près de Barranquilla, dans le département de l'Atlantico, sur la côte caraïbe. Ces familles de paysans commencèrent à s'installer il y a plus de dix ans sur cette parcelle alors inoccupée, alors qu'elles avaient subi des déplacements forcés de divers endroits de la région, à une époque où le paramilitarisme commençait à être très présent dans cette zone. Les familles sont aujourd'hui regroupées au sein de l'association Asotracampo et gèrent ensemble la vie sur le terrain, où elles pratiquent une micro-agriculture de subsistance.

El Tamarindo. Photo : Ceiba
 
Depuis 2008, après presque 10 ans de tranquillité, une dizaine de personnes, toutes bien en vue à Barranquilla, se sont manifestées comme propriétaires de ce terrain qui jusqu’à présent n’en connaissait aucun. Coïncidence, il se trouve qu’en ce moment, de l’autre côté de la route, la Zona Franca (zone franche) de l’Atlantico est en construction, et que pour relier directement le port de Barranquilla, le plus important de la région caraïbe, à la zone franche, il serait pratique de traverser le terrain du Tamarindo...
  
Réunion des habitants d'El Tamarindo. Photo : Ceiba

Depuis la connaissance de ce projet de zone franche en 2008, le harcèlement est permanent. Régulièrement, les membres de la communauté sont menacés, leurs cultures et leurs maisons détruites, les animaux tués… Plusieurs personnes menacées de mort ont dû fuir le terrain. Parfois, les « propriétaires » demandent l’aide de la police pour déloger les habitants. Ainsi, des entreprises de démolition ont plusieurs fois détruit des cultures et des maisons sous la protection de la police sans qu’une décision de justice soit vérifiable. Dernièrement, le 26 avril 2011, 7 familles ont été ainsi attaquées par des entreprises par ailleurs sous enquête dans le cadre de procédures en lien avec le paramilitarisme. Cette dernière année la police est intervenue 20 fois pour essayer de déloger les paysans. Depuis quelques mois, un des “propriétaires” a mis le terrain sous la vigilance d’une entreprise de surveillance privée, la "911", dont la licence de surveillance est périmée et dont la présidente Emilse Lopez, alias “La Gata”, est condamnée à la prison à domicile dans le cadre de procès en lien avec l’activité des paramilitaires.

Dans la vidéo qui suit, les paysans du Tamarindo et des membres du Comité de Solidarité avec les Prisonniers Politiques (CSPP) expliquent (en espagnol) la situation :




À venir sur le blog, une analyse plus complète de l'évolution de la situation politique dans la région de Barranquilla depuis le début du siècle et l'arrivée conséquente du paramilitarisme.

lundi 11 avril 2011

Lagrimas, le clip de Liz Porras Bernal sur son frère "Faux Positif"

Soacha, Octobre 2009. Liz, à coté de sa petite nièce Aïcha, a créé le groupe de rap Enigma Urbano avec son compagnon Helder Montaña
pour dénoncer la politique massive d'exécutions extra-judiciaires pratiquée par l'armée et dont son frère a été l'une des victimes.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
 
La chanson s'appelle Lagrimas, Larmes, et Liz l'a écrite en mémoire de son frère, Fair Leonardo, handicapé mental enlevé et assassiné par l'armée colombienne en 2008, puis présenté comme un guérilléro tué au combat, une pratique connue sous le nom de "Faux positifs", dont nous déjà parlé ici

Le clip , réalisé par David Muñoz a été présenté le 7 avril à la cinémathèque de Bogotá.



Pour en savoir plus, vous pouvez télécharger le pdf d'un article de Grazia, paru en novembre 2009 et qui traite du cas de Fair Leonardo, ainsi que d'autres victimes d'exécutions extra-judiciaires.

mardi 5 avril 2011

Rassemblement à Bogotá en soutien aux paysans de Las Pavas

 
Hier, à Bogotá, quelques dizaines de personnes se sont rassemblées devant le ministère de l'Intérieur en soutien aux retour de familles déplacées de la communauté de Las Pavas, dans le département du Sur de Bolivar,  sur les terres dont elles ont été longuement spoliées.

Un leader d'ASOCAB, l'Association des paysans de Buenos Aires, regroupant les membres de la communauté de Las Pavas, a exprimé sa joie devant la récupération tant attendue de leur territoire  en interprétant une chanson retraçant leur longue lutte contre le déplacement.

La vidéo de ce moment d'émotion :




Pour en savoir plus :  http://retornoalaspavas.wordpress.com

Les paysans de Las Pavas réoccupent déjà leurs terres



"El Milagro", le miracle. Photo : D.R
Hier, dans le département du Sur de Bolivar, le reste de la communauté de Las Pavas, organisée au sein d’ASOCAB, est revenue sur les terres desquelles elle avait été déplacée et spoliée plusieurs fois

Nous avons déjà évoqué l'histoire de ce déplacement, et nous annoncions hier dans la matinée l'arrivée d'un premier groupe de 70 personnes à las Pavas, que les autres habitants déplacés devaient rejoindre dans la semaine. Mais plus tard dans la journée, devançant ainsi l'agenda prévu initialement et poussée par le désir de reprendre au plus vite possession de ses terres, l'ensemble de la communauté les a rejoint au terme d'une longue marche et tous ont pu passer ensemble la première nuit depuis près de deux ans dans l'hacienda récupérée sur la propriété.

Après avoir exercé leur droit au retour de façon autonome, seulement accompagnés par quelques observateurs nationaux et internationaux garantissant un semblant de sécurité, les familles sont déjà en train de préparer la terre pour semer de quoi se nourrir et mieux organiser leurs conditions de vie.

Photo : D.R.

Photo : D.R.

Photo : D.R.

Photo : D.R.

Photo : D.R.

Ivan Cepeda (à gauche), porte-voix du MOVICE (Mouvement National des Victimes
de Crimes d'Etat), a fait partie des témoins ayant accompagné le retour
des paysans déplacés de Las Pavas. Photo : D.R.

Plus d’informations :
 

lundi 4 avril 2011

“Nous avons pensé revenir dès qu’ils nous ont expulsé”


Aujourd’hui, lundi 4 avril, à 7h30, plus de 70 personnes adultes sont retournées sur le terrain “Las Pavas” (El Peñón, Sur de Bolívar) d’où ils avaient été évacués en juin 2009 après plusieurs retours et déplacements forcés en 1996, 2003 et 2009 (voir l'article publié mercredi dernier sur cette triste histoire de spoliations répétées). Ces personnes demandent à l’Etat colombien de ne pas considérer cette action comme un délit mais comme l’exercice du droit fondamental du retour et aussi de protéger le projet de vie construit par les habitants dans la région du Sur de Bolivar. Un projet de vie qui “respecte l’environnement, notre économie paysanne, ainsi que la souveraineté alimentaire que nous voulons transmettre aux générations à venir.”

L’action de retour à Las Pavas est impulsée par un groupe de la communauté, auquel se joindra, ces prochains jours, le reste de la communauté, soit 100 familles, ainsi que différentes organisations nationales et internationales.
Un communiqué public explique les arguments et revendications de la communauté :
Exigences à l'Etat colombien dans le but de garantir le retour de notre communauté déplacée sur les terres dont elle a été expulsée.

L'association des paysans de Buenos Aires (ASOCAB)

Considérant

1. Que nous somme victimes de déplacement forcé, de spoliation de terres et d'atteinte à nos droits de la part du paramilitarisme, du narcotrafic, des entreprises agroindustrielles de palme à huile et de l'Etat colombien au travers des actions irrégulières ou illégales de fonctionnaires de l'INCODER (Institut colombien pour le développement rural), de l'inspecteur de Police de la municipalité El Peñon et du juge de Mompox.

2. Que le Ministère public a omis son devoir d'enquête sur les irrégularités commises par des fonctionnaires publics à notre encontre.

3. Que le ministre de l'agriculture bien qu'ayant inclus notre communauté dans ce qui s'appelle le « Plan de choc » pour la restitution de terres, n'a toujours pas présenté une proposition à la communauté pour restituer la terre dont nous avons été spolié. Ses fonctionnaires André Bernal et Jennifer Mojica agissent comme porte-paroles de FEDEPALMA (Fédération nationale des cultivateurs de palme à huile) et tentent de favoriser les entreprises palmifères au dépend de nos droits fondamentaux.

4. Que malgré le précédent, ces fonctionnaires ont expressément et publiquement reconnu – nous avons des enregistrements vidéo et audio – que l'Etat colombien a commis des erreurs dans notre cas et que nous avons pleinement le droit d'exercer notre droit fondamental au retour.

5. Que depuis plus de trois ans nous traversons une forte crise alimentaire, rendue encore plus extrême par la dernière vague hivernale et cela, sans aucune intervention de l'Etat colombien pour atténuer ou résoudre le problème alimentaire.

6. Que malgré le fait d'avoir été inclus, depuis septembre 2009, dans le « Registre unique de la population déplacée », notre communauté n'a été bénéficiaire d'aucun des programmes de « Accion Social » (agence présidentielle pour l’action sociale et la coopération internationale) en faveur des populations déplacées.

7. Que la loi 387 de 1997 et ses décrets réglementaires établissent le retour de la population déplacée sur les terres spoliées comme une des principales options pour la stabilisation économique.

8. Que l'évolution des jurisprudences de la Cour constitutionnelle a élevé au niveau de Droit fondamental le retour de la population déplacée sur les terres dont elle a été spoliée. La sentence T-025 de 2004, entre autres, a établi que le retour n'est pas suffisant pour la stabilité économique de la population déplacée et que cela doit être accompagné d'une série de programmes et d'investissements sociaux, de nouvelles infrastructures, ainsi que d'un accompagnement institutionnel, de garanties de sécurité et de la possibilité de rester sur les terres.

9. Que certains des terrains dont nous avons été expulsés, dont entre autre Las Pavas, ont été inclus dans le Registre unique des terres et territoires abandonnés (RUPTA), ce qui rend plus probant encore notre droit d'y retourner, et élève ce droit au-dessus des droits que croient tenir les tiers intéressés par ces terres.

10. Que des membres de la police nationale offrent une protection particulière et semblent au service des entreprises C.I. Tequendama et Aportes San Isidro. On suppose que ces personnes en uniforme seraient en train de préparer une action de force à l'encontre de notre communauté, à la demande des entreprises palmifères, ceci contrairement à la réponse donnée par le général Naranjo concernant la protection de la communauté de ASOCAB à l'occasion de son retour.

Avons pris la suivante décision :

Exercer volontairement et de manière autonome notre droit fondamental au retour sur les terres de l'Hacienda Las Pavas desquelles nous avons été déplacés plusieurs fois et desquelles on a cherché à nous spolié.

Dans le cadre de ce qui a été expliqué, nous nous adressons aux différentes institutions de l'Etat colombien avec un grand respect afin qu'elles exercent les fonctions de protection des citoyens et qu'elles veillent à l'accomplissement de la constitution et de la loi. Qu'elles apportent une protection particulière à la population vulnérable, qu'elles fassent prévaloir l'intérêt général sur le particulier, qu'elles garantissent le principe de dignité humaine et notre rétablissement socioéconomique. (...)

Plus d'informations :

http://retornoalaspavas.wordpress.com

twitter.com/accioninfo

vendredi 1 avril 2011

La Colombie est une grande démocratie

Chocó, Avril 2010. Poisson pêché dans le rio San Juan.
Photo : D. Fellous/Libre arbitre
Dans une tribune publiée le 28 mars par le Monde.fr sous le titre "La guerre de Libye révélatrice de la géopolitique latino-américaine", Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l'IRIS nous apprend incidemment que :
 
"La Colombie", qui a voté au Conseil de
sécurité la résolution 1973, a déclaré son
président Juan Manuel Santos, "est toujours
derrière ceux qui défendent les libertés,
la démocratie et les droits de l'homme".

Sans vouloir faire le moindre commentaire sur cette déclaration du président colombien, ni rien rappeler de ses antécédents (il suffit de consulter les archives de ce blog), nous avons préféré attendre quatre jours jusqu'à la date d'aujourd'hui, qui nous paraît plus appropriée pour reproduire cette information...