mardi 3 mai 2011

À chaque année son scandale de la santé

La crise du système de santé colombien est-elle si conjoncturelle qu’on voudrait le faire penser ?

Six personnes ont été arrêtées lundi dernier suite à une enquête révélant le détournement de sommes destinées à des remboursements d’actes de soins ou de médicaments. La fraude concernerait plus de 9 millions d’euros et impliquerait des fonctionnaires du ministère de la Protection Sociale et des employés des entreprises de santé chargées de l’administration de l’affiliation, les EPS. Des entreprises façade auraient été créées pour gérer les fonds. Parmi les méthodes utilisées, on retiendra les autorisations données par le ministère à des remboursements demandés par des EPS sur lesquels étaient prélevés une commission de 2 à 6 % de la valeur payée, des paiements d’actes pour des personnes pourtant décédées, des procédures et des médicaments surfacturés par les EPS, ou encore des règlements gagnés en justice que les patients n’ont jamais touchés.
 
L’annonce de la fraude a été faite directement par le président Juan Manuel Santos et concernait une enquête menée sur seulement 10 % des remboursements supplémentaires accordés par le ministère, laissant présager encore de bien mauvaises nouvelles. L’année dernière, la Cour Constitutionnelle cassait des décrets passés par le précédent gouvernement qui prévoyaient de dispenser les EPS du paiement d’actes et de médicaments non prévus dans le plan de santé destiné aux populations démunies. La lutte engagée était celle du respect du droit à la santé comme droit fondamental, sans distinctions de revenus, contre l’argument de la rentabilité et de l’efficacité de papier. Aujourd’hui, ce que nous révèle ce nouveau scandale, c’est bien que ce système de santé n’est pas  bien conçu pour réduire les inégalités des Colombiens face à la maladie, mais qu'il a ouvert aux intérêts particuliers le maniement et le détournement de l’argent public.
 
Au cœur du système, les EPS. Elles sont près de 70 à se disputer le marché de l’affiliation et sont pour la plus grande majorité privée. Pour chaque affilié, elles reçoivent une somme annuelle versée par le fond public de solidarité, le Fosyga. Les EPS décident selon une certaine marge de manœuvre d’autoriser ou non les paiements médicaux que demande un affilié. Le problème que portait déjà ce système était de voir le droit à la santé tellement bafoué que les patients n’avaient d’autre solution que de solliciter la justice et le respect de la Constitution pour par exemple réussir à obtenir un examen de compatibilité avant la transplantation d’un rein. On s’aperçoit maintenant que non seulement l’argent qui devrait servir à cet examen peut être surévalué, au bénéfice d’employés de l’EPS, mais qu’en plus, il n’arrive pas toujours dans la poche du patient.
 
Les EPS, innovation directement sortie du chapeau des théories de l’auto-proclamée « nouvelle gestion publique », ont été créées pour soi-disant assainir une sécurité sociale malmenée par la bureaucratie publique en usant du jeu de l’offre et de la demande. On n'avait pas prévenu les Colombiens que l’assainissement se ferait par le vide et le siphonnage des caisses de l’État…
 

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